la fenêtre et le miroir
1°) Introduction
Giri Nilayam, c’est le nom du chalet que lui a donné Sri Krisna Menon[1]voir le voyage initiatique. Cela veut dire haute montagne en Sanskrit dans un sens spirituel. Ma première découverte de la vallée de Chamonix date sans doute du début des années 1950. Premier séjour à l’hôtel de la Couronne à Argentière puis ensuite locations sans discontinuées de petits chalets aux Frasserands (La Nicola qui existe toujours, puis la Grange dans le tournant en descendant) avec mes parents et au début mes oncles et Tante (la sœur de Papa, la tante Germaine). Je n’ai plus beaucoup de souvenirs de cette première période… Sans doute des ballades dans les beaux sentiers de Montagne. Je me souviens d’une course poursuite avec une vache agressive sur les pentes de Balme. Maman courait en me tenant fermement par la main et je faisais du vol plané. De ce jour, je suis toujours resté méfiant avec les vaches.
2°) La vie en Montagne dans les années 50
La montagne Jean Ferrat
Chamonix et sa vallée ont depuis le début du siècle attirés une population de vacanciers amoureux de la Montagne. Des familles ont fait construire des chalets et de grands hôtels se sont bâtis. On en voit encore des exemples au Planet ou à Montroc transformés en appartements. Les gens de la vallée ne sont pas pauvres. Ils ont des terrains, ils font de l’élevage (les fameuses vaches qui montent en alpage l’été) et souvent ils louent aux vacanciers des appartements ou des parties de leur logement. Les hommes ont souvent 2 métiers, par exemple menuisier et guide de montagne l’été. La vallée est équipée des téléphériques du Brévent (construit au début des années 30) et des Houches. La Flégère et Balme seront construits plus tard à la fin des années 50. Début 60, ce sera la construction de l’aiguille du midi (le téléphérique le plus haut du monde) et des grands Montets, domaine mythique du ski. Il faut également mentionner le petit train du Montenvers qui monte à la mer de glace et le train du Mont Blanc qui monte au nid d’aigle, ces deux installations ayant été réalisées au début du 20ème siècle. Je mentionne tout cela pour montrer que dans les années 50 la vallée n’est pas encore bien équipée surtout pour le ski.
Je passais donc une grande partie de l’été à la Montagne dans notre petit chalet avec Simone ma Nounou, ma Grand-mère et le chien, Caddy. Maman nous rejoignait pour ses vacances et Papa est venu quelquefois. J’avais une bande d’amis de mon âge :
- Jacques Henrion (le chalet en dessous de Giri Nilayam) qui était le chef de notre bande. Nous sommes restés très liés avec toute la Famille.
- Jean Paul Leininger, famille de grands alpinistes, qui louait dans le village chez Burnet qui était guide
- François Des Ylouses un peu plus jeune qui est devenu prêtre
- Jean Michel Charlet était le seul autochtone, fils de Suzanne et de Michel la Beauté. Nous étions très amis avec sa Maman qui venait faire le ménage quand Simone n’était pas là.
- Les Tardivet de Marseille, Nicolas Puech, Olivier Favre…
- Il y avait aussi quelques filles, Agnès Puech, les Strechenberger famille de Lyon, les filles Favre et Sophie Boisson de Chazurne… Mais dans notre adolescence les filles ne nous intéressaient pas.
Les copains d’abord Brassens
Nos journées se passaient dans les champs à construire des cabanes, à faire de l’escalade au col des Montets et de grandes parties de ballon prisonnier organisées par Mr Ceyleron, propriétaire d’un chalet en face des Favre.
Bien sûr, il y avait aussi les ballades avec les parents, les jours de pluie et les jours d’ennui…
Notre chien, Caddy, était heureux. Il courrait la campagne et faisait des enfants à toute les chiennes du village !
Mirza nino Ferrer
Le soir, j’allais chercher le lait à la ferme des Muniers. La ferme se situait près du torrent (j’en profitais pour balancer les ordures dans le torrent !) Les deux sœurs et le frère vivaient ensemble ; ils n’avaient jamais voulu se marier pour ne pas partager les biens. Le pauvre frère avait été blessé à la guerre de 14 (il avait un œil de verre !) et était un peu simplet. Les trois dormaient avec leurs vaches.
Nous faisions les courses à Argentière et nous étions livrés par le patron du magasin d’alimentation, fruits, légumes et épicerie. Il était très gentil ; Nous l’appelions l’Embourbé car très souvent son camion restait bloqué dans le chemin par forte pluie. (Il arrivait qu’il pleuve dans la vallée !)
3°) Le Chalet
Maman aime trop la montagne. Elle recherche un terrain pour faire construire. A l’époque il y en a plein mais les paysans sont des coriaces ! Il y a un terrain magnifique à coté de la maison des Joseph Charlet (il faut préciser qu’ils s’appellent tous Charlet dans le village !) Il appartient à Armand Charlet, le guide célèbre qui a ouvert toutes les voies de l’aiguille Verte. Son épouse dira à Maman : « notre terrain il vaut de l’or. Il n’est pas à vendre. » Il sera vendu beaucoup plus tard à Joël Desgrippes, célèbre designer familier des Frasserands.
Maman finit par trouver un terrain dans la pente qui mène à Tré le Champ et qui appartient au guide Burnet. Ce n’est pas le plus facile mais rien n’arrête Maman la Bâtisseuse. En 1957 le chalet est construit avec des entreprises d’Argentière, les Devouassoux pour la maçonnerie et les Ravanel pour la menuiserie. Le pauvre Edouard Ravanel se tuera peu après pendant la construction du téléphérique de Balme.
Et voilà le chalet flambant neuf ! Une nouvelle vie va commencer. En particulier l’hiver. Durant 2 hivers avant le chalet, je partais avec le lycée Janson pendant les vacances de Noël aux Houches avec mon copain Serge Larigaldie[2]voir blog les premières années . Nous étions accompagnés par notre professeur de gymnastique, Mr Zimmerman et Guy Poulet, un très fort alpiniste et également prof de gym, dans un hôtel très sympa. Nous prenions des leçons de ski et nous remontions les pentes sur des téléskis à fourche en chantant « Last train to Saint Fernando »
Last train to san fernando johnny duncan
4°) Les vacances au chalet
Le chalet sera occupé l’été et l’hiver et je peux inviter mes amis, en particulier Xavier, mon voisin de l’avenue Mozart, et ma chère cousine avec lesquelles j’ai passé beaucoup de vacances. J’ai 14 ans et la montagne m’attire. Je lis les récits de tous ces grands alpinistes, Rebuffat, Terray et tant d’autres. C’est encore le moment des derniers grands exploits dans la vallée comme le pilier ouest de l’aiguille du Dru par Bonnatti en solo (1955) ou le pilier du Fresnay au Mont blanc avec une tragédie[3]lire les récits sur le sujet (1961). Tous les sommets de la chaîne ayant été gravis, les alpinistes vont s’attaquer aux voies les plus difficiles (en général face nord) puis aux hivernales.
Ma première course (c’est le mot habituel pour ascension) avec guide a lieu, je crois en 1957. Il suffit de regarder le pilier en bois qui est au pied de l’escalier du chalet. Maman a eu la bonne idée de faire graver les courses avec la date et le nom du guide. Malheureusement nous avons abandonner la coutume assez vite. Normalement toutes les faces du pilier devraient être remplies.
Donc ma première course est la traversée des petits Charmoz et l’aiguille de l’M avec mon ami Jacques Henrion et un guide sympathique dont je ne me souviens plus du nom (voir pilier). C’est une petite course de rochers d’initiation, pas difficile. Il faut dire qu’à force de s’entrainer au col des Montets sur les blocs de rocher nous avons une bonne technique. L’escalade est une discipline naturelle relativement simple jusqu’à un certain degré de difficulté. En pratique, il suffit de ne pas avoir peur, d’être suffisamment souple et fort et de savoir monter à une échelle[4]voir étoiles et tempête sur you tube 8ème minute (cette vidéo est amusante car elle montre Maurice Baquet faisant le pitre au col des montets) ! Après cette première expérience, je vais enchaîner de nombreuses ascensions, toutes des classiques mais de plus en plus difficiles. Je garde le souvenir de Léon Charlet (encore un Charlet !), guide avec lequel j’ai beaucoup grimpé. C’était une force de la nature. Il était employé à la SNCF et était guide l’été. Il grimpait toujours dans les marches d’approche avec la clop au bec ! Nous avons fait ensemble de très belles ascensions, essentiellement dans le massif du glacier du Tour : Tous les sommets ont été gravis : l’aiguille du Tour, la Purtscheller, les aiguilles dorées, le Chardonnet, les trois cols…
Ce cirque de montagnes est absolument magnifique. Il n’y a pas de plus grande joie que d’arriver au col du Tour avec le lever du soleil et de voir cet embrasement sur ces montagnes. C’est la beauté du Monde. La marche est légère, on s’abandonne à cette merveille. Mais j’écris comme Rébuffat[5]voir biblio !!
Durant ces premières années d’initiation, j’ai appris la montagne et je me suis senti assez fort pour grimper « de mes propres ailes ». Je devais avoir 16 ou 17 ans et j’ai rencontré Bruno.
5°) La cordée
Je ne me souviens plus comment cela a commencé. Mon copain, Michel Tardivet, un peu plus vieux que moi sortait avec une jeune fille d’Argentiere. Nous l’appelions « Pichnette » sans doute à cause de son petit nez en l’air. C’était une fille merveilleuse, gaie, intelligente que tout le monde aimait.
La photo montre Bruno et Pichnette au sommet du Mont blanc du tacul (4248m)
Nous nous réunissions souvent, toute une bande, à l’hôtel Bellevue où le photographe, Monsieur Brissaud, époux de la patronne de l’hôtel, réunissait ses copains. Il y avait des vedettes de la chanson, Guy Poulet, Herzog (le Maire de Chamonix) et toute une bande de joyeux drilles. C’était la rigolade assurée !
J’ai dû connaître Bruno à cette période. Il avait déjà un « faible » pour Pichnette qu’il épousera plus tard. Et nous avons commencé à faire de la montagne ensemble…
Je décris là de merveilleux moments de ma vie. La cordée est avant tout un lien d’amitié avant d’être une sécurité. D’ailleurs, à l’époque cette pauvre corde en chanvre enroulée autour de la taille avec un nœud de vache était une protection fragile. Il fallait dans la cordée une confiance mutuelle.
La course en montagne avec ce lien d’amitié et de complicité réunit tous les ingrédients d’un moment de bonheur. La construction du projet, sa préparation, la montée au refuge, la nuit courte, sans sommeil, rythmée par les ronflements du dortoir, le réveil enfin ! L’équipement et le départ dans la nuit sous un drap d’étoiles…
A sky full of stars Cold play
Le but, la concentration nécessaire face aux risques, l’effort, et la récompense du sommet dans des paysages sublimes, c’est tout cela l’ascension…
Nous en avons fait de belles courses. De plus en plus difficiles. D’abord le rocher, puis nous nous sommes lancés dans les courses de neige tellement esthétiques.
Quelques récits :
Départ pour la dent du Requin
- Une de nos premières courses : la dent du Requin (3422m). Belle aiguille située au dessus de la Mer de glace. Nous allons dormir au refuge du Requin. Nous prenons le petit train du Montenvers. Nous sommes fiers parmi les touristes avec notre équipement de montagnard. Nous descendons sur la mer de glace par les échelles. (Aujourd’hui, il y a 100 mètres de plus d’échelles du fait du réchauffement climatique qui a détruit le glacier !) 3 heures de marche pour arriver au refuge. Les sacs sont lourds car nous emportons le réchaud et la boite de cassoulet ou les raviolis. Nous dinons dans la salle « hors sacs » puis nous allons nous coucher dans le dortoir de 4 heures (c’est l’heure du réveil). Mauvaise nuit ponctuée des ronflements habituels… Je révise dans ma tête le cheminement de l’ascension que nous avons étudié dans le guide Vallot qui est notre bible. Ce guide décrit dans le détail tous les itinéraires avec leurs difficultés et les temps d’ascension. Le gardien nous réveille, je sors du refuge pour voir le temps. Une nuit d’étoiles, grand beau.
Chopin nocturne n°8
Après un petit déjeuner succinct, je suis toujours pressé de partir, nous nous équipons. Petite marche d’approche, éclairée par la frontale et nous prenons pied sur le glacier. Nous chaussons les crampons et nous nous encordons. Le glacier est très crevassé et il faut être très attentif. Le jour se lève. En face, les grandes Jorasses, la dent du Géant, plus loin l’aiguille Verte, c’est magnifique…Après une longue montée, nous prenons pied sur le rocher. Abandon des crampons et du sac, l’escalade commence. C’est un joli monolithe vertical de difficulté IV[6]à l’époque les cotations vont de 1 à 6 le plus difficile aujourd’hui les cotations vont jusqu’à 8. Je grimpe en tête avec le guide Vallot coincé dans la ceinture de mon pantalon. Bien sûr, après quelques manœuvres, il tombe ! Heureusement, Bruno le récupérera. Grimper dans ce rocher compact et aérien est un bonheur. Bientôt nous sommes au sommet et nous pouvons jouir de cet instant, de ce panorama exceptionnel. Mais il faut redescendre. Nous installons le rappel. A l’époque, la corde est passée entre les deux jambes et sur l’épaule ! Bonjour le frottement sur les cuisses et il n’y a pas d’assurance ! Quel confort aujourd’hui avec le baudrier et le descendeur et quelle sécurité. La descente est longue et c’est Bruno qui assure. En général je râle ! Le retour sur le glacier est dangereux car la neige est molle avec le soleil et il faut être très vigilant. Arrivé au refuge, nous aurons encore une longue marche avant le Montenvers et le retour à la civilisation. Mais quelle belle course !
- Nous adorons les films de Gaston Rébuffat. C’est tellement romantique ! le dernier film décrit l’ascension du Mont Blanc avec Haroun Tazieff et la construction d’un igloo au sommet pour passer la nuit[7]voir entre terre et ciel 50ème minute sur YouTube . Nous décidons avec Bruno de renouveler l’exploit. Nous n’irons pas au Mont Blanc mais plus prudemment au col du Tour, moins haut et que nous connaissons si bien. Les sacs sont lourds pour la montée au refuge Albert 1er. Nous avons pensé à tout, le réchaud, le cassoulet, la Williamine, la pelle, les piolets etc… Nos copains guides se marrent en apprenant notre projet. Nous arrivons au col du Tour en début d’après-midi. Au travail ! Nous déballons le matériel et choisissons un endroit abrité du vent un peu en contrebas du col. Première déception ! La neige est molle et il est impossible de fabriquer des briques de neige. En plus je pense que nous n’avions pas la technique ! Tant pis, il y a des pierres plates. Nous allons construire un abri. On aménage donc un refuge de fortune et l’après midi se passe. Il est l’heure de déballer les victuailles et de se faire une bonne cuisine avec le coucher du soleil. Je remonte sur la crête du col pour voir la vue sur la vallée. Badaboum !!Un éclair d’orage magnifique illumine le ciel de Chamonix à la Suisse !
La tempête arrive à toute allure. Pas de temps à perdre. On remet tout dans les sacs et on descend à toute vitesse vers le refuge sous une pluie battante et sous l’orage. Nous arrivons trempés sous la rigolade de nos copains…La nuit est terrible et le lendemain nous redescendons sous le déluge. Plus un poil de sec en arrivant au chalet !
Have you ever seen the rain Willie Nelson
Nous avons ainsi, pendant une dizaine d’années, grimpés ensemble à chaque occasion où nous pouvions nous retrouver. Nous aimions de plus en plus les courses de neige et les couloirs raides. Un de nos rêves était de gravir l’aiguille Verte, ce magnifique sommet qui me nargue du chalet. Mais tous les itinéraires sont difficiles et nous voulions acquérir une technique suffisante afin de monter en sécurité. Nous avons toujours choisi nos ascensions en fonction de nos capacités et en progressant. Ainsi, nous avions choisi de gravir la face nord est des courtes, paroi de 800 mètres de haut très esthétique qui représentait une bonne préparation. Nous effectuons une première tentative, lever à minuit, mais il fait trop chaud et la neige est trop molle. Nous renonçons. Nous savions aussi prendre des décisions difficiles. Je ferai la course 15 jours plus tard, sans Bruno, avec Coutagne un autre ami. Trahison !
La vie nous a ensuite séparée. Pichnette est décédée d’un cancer. Bruno s’est retrouvé veuf avec ses 4 enfants et une carrière professionnelle brillante qui l’accaparait. Nous sommes bien sûr restés très ami mais il n’avait plus beaucoup de temps pour grimper en montagne.
6°) La vie en Famille
Je me suis marié en 1969 avec votre Grand-mère, Floflo. Nous sommes partis aux Etats Unis, Elodie est née et à notre retour en 1972 nous avons repris les vacances au chalet. Encore de belles courses avec Bruno et l’initiation de Floflo à la montagne. L’escalade n’est pas son « truc » mais elle apprécie la montagne, l’effort et la beauté des paysages. Nous avons bien rigolé avec Bruno quand nous avons monté Floflo à l’aiguille du Tour, magnifique belvédère mais tas de cailloux qu’elle n’appréciait pas. Nous avions la gueule !
Nous avons fait ensemble de très belles courses, les trois cols et même la magnifique arête Midi Plan avec un guide très sympathique, Jean Frank Charlet, qui a réussi sans aucune réticence et avec le sourire à faire grimper Floflo au sommet de l’aiguille du Plan, pourtant beaucoup plus vertigineuse que l’aiguille du Tour. Comme quoi la confiance !
C’est aussi l’époque du ski avec les Grands Montets et la Vallée Blanche.
Le lancer de bras avec Roland
I believe I can fly Etta James
Dès la construction du chalet, nous avions pris l’habitude de venir l’hiver pour les vacances de Noël ou à Pâques, (les vacances de Février n’existaient pas). Avec Xavier, nous prenions des leçons de ski avec Daniel Devouassoux, moniteur et ami qui nous initiait au slalom en vue de passer l’épreuve du Chamois que je n’ai jamais réussie. Nous étions fous de ski ! Lever à 7 heures pour être à la première benne et faire la queue ! Pour monter aux Grands Montets il fallait des numéros sur les skis ! Mais quelles descentes merveilleuses souvent dans la poudreuse ! C’était encore l’époque des grands skis (2, 05 mètres pour les miens), peu maniables dans les couloirs étroits ! Je me souviens d’une galère dans le couloir du « boucher » où la monitrice d’Elodie nous avait emmené. Le hors-piste, la vallée blanche, c’est aussi cela la montagne…
Ensuite, nous allons découvrir la randonnée à ski avec Etienne (le frère de Floflo). Première randonnée : la traversée de l’Oberland. L’Oberland est un massif montagneux proche de Berne, en Suisse, avec des sommets prestigieux comme l’Eiger. Nous arrivons par le train à Grindelwald et nous retrouvons notre guide de Chamonix, Freddy Coutet. Le petit train à crémaillère nous emmène à la station sommitale de la Jungfrau. Pour cette équipée, nous avions acheté l’équipement de randonnée avec des skis yougoslaves (espèces de barre à mine !) équipés des fixations idoines. Le sac était lourd car j’avais emmené la caméra super 8 offert par ma chère belle-mère (votre autre Grand-mère que malheureusement vous n’avez pas connue).
Nous chaussons les skis et descendons sur le magnifique glacier (Concordia Platz) pour rejoindre le refuge. Nous quittons les skis en bas du refuge et nous y accédons par des échelles branlantes.
Chaque jour nous ferons une ascension à peaux de phoque de sommets proches des 4000 mètres et de très belles descentes. Puis nous poursuivrons notre randonnée par le refuge Hollandia et une descente finale dans le brouillard sur un glacier très crevassé, sous la conduite de Freddy, remarquable de sureté et de connaissance du terrain. On reconnait là la merveilleuse expertise du Guide. Nous ferons avec lui de nombreuses randonnées. Il était le recordman des traversées Chamonix-Zermatt. Nous avons fait avec lui plusieurs tentatives malheureusement toujours perturbées par le mauvais temps. Nous avons ainsi loupé quelques étapes.
N’ayant plus mon compagnon fidèle de cordée, il y a une période où je ferai moins de haute montagne, peut être quelques courses avec guides lorsque des amis viennent au chalet (Dominique Gardel) où de jolies balades en altitude comme les 3 cols…
J’initie les enfants (vos parents) à l’escalade et aux promenades.
Nous ferons quelques courses classiques comme Tête Blanche où la petite Fourche. Quel moment magique nous avons passé au refuge de l’envers des aiguilles à jouer aux cartes avec nos amis Dupont en face des grandes Jorasses.
A la fin des années 1980, nous retournons à Paris (après avoir passé quelques années à Nancy puis à Bordeaux). A cette époque, nous faisons la connaissance de Michel et Hélène Werl qui habitent Strasbourg et qui possèdent un studio à Montroc. Nous ferons beaucoup de montagne ensemble. Dans la famille, le cousin de Floflo, Gilles Marret, nous invite souvent à Courchevel l’hiver et nous apprécions ce merveilleux domaine skiable où on peut skier toute la journée en ne faisant jamais la même piste. Comme nous sommes une bande de bons vivants, les matinées de ski se terminent en général dans un bon restaurant. L’après-midi est moins sportif.
Gilles et ses amis veulent faire le Mont Blanc. Il me propose de me joindre à eux avec Michel Werl. J’avais fait une tentative en 1967 avec le guide Alain Cretton. Le temps était magnifique mais le vent nous avait fait renoncer presque au sommet. (Nous étions à 4 pattes sur l’arête des bosses, incapables de nous tenir debout).
Blowin in the wind Stevie Wonder
Nous acceptons donc avec plaisir cette opportunité. Nous sommes 8 au départ dans ce projet. Nous faisons avec nos guides plusieurs ascensions de préparation. Une des équipes renonce n’ayant pas la forme suffisante.
Nous ferons la traversée du Mont Blanc, magnifique ascension qui consiste à franchir le Mont Blanc du Tacul, le Mont Maudit et le Mont Blanc, puis de redescendre sur les Grands Mulets pour rejoindre le Plan de l’Aiguille. C’est une très longue randonnée glaciaire…
C’était le 14 juillet 1989 ! J’avais 46 ans. Nous avons couché au refuge du Plan de l’Aiguille pour prendre la première benne du téléphérique de l’Aiguille du Midi à 6 heures du matin.
Du refuge on pouvait voir les feux d’artifice tirés depuis Chamonix. Les feux d’artifice vus du haut, ce n’est pas banal ! Aujourd’hui le départ de la course se fait du refuge des Cosmiques qui n’était pas construit à l’époque. Nous avons donc commencé l’ascension vers 7 heures du matin ce qui est très tard pour une grande course. Nous sommes arrivés en haut du Mont Blanc vers 14 heures. Merveilleux moment sous un ciel bleu et la chaleur. Je pleure, l’émotion est trop forte ! J’en ai tellement bavé !
Puis c’est la longue descente dans une neige molle au milieu des crevasses. La descente est tellement longue que nous raterons la dernière benne du Plan de l’Aiguille et que nous descendrons à pied dans la nuit jusqu’à Chamonix ! Nous avons fait ce jour là près de 6000 mètres de dénivelé. J’ai eu du mal à m’en remettre !
L’ascension du Mont Blanc n’est pas difficile mais c’est une longue course qui nécessite une bonne préparation et qui peut devenir très dangereuse par mauvais temps.
C’est aussi à cette époque que j’ai connu, par l’intermédiaire de Michel Werl, Roland Ravanel, fameux guide de Chamonix avec lequel nous avons fait beaucoup d’ascensions. Roland, grand amoureux de la montagne, est un découvreur. Il a effectué de nombreuses premières dans le massif et il adore découvrir de nouveaux itinéraires ! Il nous a ainsi entrainé dans des « bavantes » interminables. Je me souviens particulièrement du Combin de Corbassières en Suisse (13 heures !!)
7°) Le nouveau siècle
A partir de 2002, j’ai tenu au chalet un journal succinct de nos différents séjours avec les points marquants. J’ai donc beaucoup grimpé avec Roland, puis il a eu un infarctus et il m’a conseillé un guide plus jeune, Jean Michel Guignier dit Astérix à cause de ses moustaches et de sa petite taille.
Nous avons fait ensemble de très belles courses surtout en rocher qui était sa spécialité. Je découvrais les merveilleux chaussons d’escalade qui font tellement mal aux pieds et les techniques d’assurance avec le baudrier.
Le rappel devenait un plaisir. Il me connaissait bien et me poussait toujours à progresser tout en connaissant mes limites. C’est cela le talent du guide. Et puis Jean Michel vous a initié ! Et ma grande joie a été de vous voir grimper avec lui. Vous avez commencé très jeunes sur les blocs du col des Montets puis aux Cheserys et pour les plus téméraires à l’Aiguillette.
Ce fut ensuite pour ceux qui en avait envie les escalades dans les aiguilles rouges. Maëlle est devenue une championne et j’espère qu’elle continuera par de belles voies dans la vallée.
8°) Le Népal
On ne peut pas écrire sur la montagne sans évoquer les plus hautes d’entre elles. 4810 mètres le toit de l’Europe, mais alors le toit du Monde 8850m ? En 2012, Roland qui est un habitué du Népal nous propose à Michel Werl et à moi de l’accompagner pour une randonnée dans le Khumbu. C’est une merveilleuse opportunité ! Nous avions été à Katmandou avec Floflo en 1974 mais nous avions vu les montagnes de loin. J’avais donc hâte de les revoir de plus près.
Nous passons 2 nuits dans le chaos de Katmandou à déambuler dans les ruelles encombrées et à visiter les célèbres pagodes. Puis c’est le départ, de bon matin, par un petit avion pour Lukla où débutera notre randonnée. Nous atterrissons sur la piste « la plus terrifiante du monde » (500m de long, 20 m de large et inclinée à 12°). C’est le départ pour une marche de plus d’une semaine sur les sentiers du Khumbu jusqu’à une altitude de 5000 mètres et à proximité de l’Everest. L’étape jusqu’à Namche Bazar (3340m le Chamonix du Népal) est terriblement encombrée de touristes, de yaks et de porteurs. Après Namche nous serons plus au calme. Chaque soir, nous nous installons dans une « lodge », refuge népalais pour les touristes où Roland est toujours reçu comme une vedette. Son intimité avec nos hôtes nous offre des contacts chaleureux. Notre petit groupe est composé de 6 personnes plus Roland et 2 Sherpas avec 2 yaks qui portent nos bagages. Nous pouvons ainsi marcher léger. Il y a dans cette atmosphère de randonnée une « symbiose » entre la Montagne et le mysticisme du Bouddhisme.
On ressent cette impression au détour du chemin où on découvre un stupa, un moulin à prières et les petits drapeaux caractéristiques que l’on trouve sur les maisons et les temples. Le tourisme de masse qui s’installe (et qui fait vivre la région) n’a pas encore abimé cet aspect spirituel. La montagne, violée par les hordes alpinistes éprises de performances[8]voir everest embouteillée sur YouTube , gardera encore j’espère son mystère.
9°) Conclusion
Pourquoi la Montagne ? Cela pourrait être la Mer ou les forêts ou en tout cas la Nature. C’est cela que j’ai voulu raconter. Le vrai bonheur d’être en résonnance avec la Nature, d’échapper pour un temps au rythme nocif du progrès et de la civilisation. Quand je vois les gens courir sur les chemins de montagne ou dévaler les pentes en vélo, j’ai le sentiment que cette vitesse abime la nature. Comme le fait le réchauffement climatique. Ainsi l’entropie sociale rejoint l’entropie naturelle…
Mes chers petits-enfants, j’espère que ces montagnes seront une source de joie dans ce chalet que nous aimons tous.
Je n’ai pas encore choisi le thème suivant. Avez-vous des suggestions ?
Références :
Il y a au chalet de nombreux livres de montagne. Notre référence a été les 100 plus belles courses de la Vallée écrite par Gaston Rébuffat. Notre ambition était d’en faire le maximum
References
↑1 | voir le voyage initiatique |
---|---|
↑2 | voir blog les premières années |
↑3 | lire les récits sur le sujet |
↑4 | voir étoiles et tempête sur you tube 8ème minute (cette vidéo est amusante car elle montre Maurice Baquet faisant le pitre au col des montets) |
↑5 | voir biblio |
↑6 | à l’époque les cotations vont de 1 à 6 le plus difficile aujourd’hui les cotations vont jusqu’à 8 |
↑7 | voir entre terre et ciel 50ème minute sur YouTube |
↑8 | voir everest embouteillée sur YouTube |
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