LA FENETRE ET LE MIROIR
Souvenirs et réflexions pour mes petits-enfants.
Introduction
Le titre me trotte dans la tête depuis plusieurs années. La fenêtre pour le regard sur l’extérieur, le miroir pour l’introspection. Ces symboles n’ont-ils pas été abondamment utilisés par les peintres pour illustrer ce qui n’est pas visible ?
Ce travail de rédaction poursuit trois objectifs :
- Donner à mes petits-enfants quelques informations sur le passé, l’histoire incomplète de leur famille, les souvenirs de l’enfance, les grandes étapes de ma vie. La visibilité dans une famille est souvent réduite. Je n’ai pas connu mes grands parents sauf ma Grand-mère maternelle. Mes petits enfants n’ont pas connu leurs arrières grands parents. La mémoire familiale s’efface avec le temps alors qu’elle est importante pour mieux comprendre sa propre histoire. Ce n’est pas ma vie que je vais décrire mais des faits, des circonstances qui permettent, j’espère, de répondre à des questions.
- Et puis, j’ai envie de réfléchir de façon un peu plus intime pour mes petits-enfants. Le monde va si vite, la vie passe si vite que j’éprouve le besoin de me poser, de briser un peu les enchainements de l’habitude qui font que l’on se laisse porter, superficiel, sans réflexions sur l’essentiel. Mais qu’est -ce que l’essentiel ? Dans ce court passage qu’est la vie qu’est-ce que l’essentiel ? Le bonheur ? l’Amour ? donner un sens à sa vie ? l’Utilité ? J’aborderai ces questionnements en me penchant sur mon passé mais aussi en m’interrogeant sur l’avenir.
- Je souhaiterai enfin que ce travail soit l’opportunité de dialoguer, d’avoir des échanges, de questionner… C’est tellement important et à la fois si rare de pouvoir établir une communication avec ceux que l’on aime.
Chapitre 1. L’enfance
Je suis né le 30 juillet 1943 à Paris en pleine guerre. Paris était occupé par les Allemands. Mon Père avait 35 ans et ma Mère 34ans ce qui était relativement âgé pour avoir un enfant à cette époque. Mes parents s’étaient mariés le 28 novembre 1942 (8 mois avant ma naissance ! ( tiens ,tiens cela me rappelle quelque chose…) Papa travaillait à la BNCI, l’ancêtre de la BNP. Il y était rentré en 1928 à l’âge de 20 ans. Il fera une carrière brillante dans cette banque. Maman devait déjà être la collaboratrice de Georges Lillaz, le propriétaire du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV). Mes parents étaient donc des gens aisés qui sans être riches avaient de très bonnes situations et vivaient très confortablement. Nous habitions square Henri Paté dans le 16ème arrondissement. Mon environnement était représenté par mes parents, ma Grand-mère (la Mère de Maman née en 1878 qui avait été élevée à l’orphelinat) C’est le seul grand Parent que j’ai connu, les parents de mon père étant décédés avant la guerre. Ma Grand-mère était une femme adorable qui m’a beaucoup aimé. Nous étions également très liés avec le frère de Maman, André, qui avait une petite fille Danièle, ma cousine, avec laquelle j’ai passé une grande partie de mon enfance.
Du coté de Papa, nous fréquentions également la tante Germaine (la demi sœur de Papa) et son mari Edmond. Ils habitaient Ménilmontant et avait élevé mon demi-Frère, Claude, que Papa avait eu à 19 ans ! Claude avait donc 16 ans de plus que moi.
Je ne peux pas parler de la guerre, mais il semble que nous ayons traversé cette période (l’occupation et la fin de la guerre) sans beaucoup de privations. C’était la débrouille et le marché noir. Lorsqu’il y avait des bombardements, Maman allait sur le balcon pour regarder et Papa descendait prudemment à la cave.
J’étais un beau bébé aux yeux bleus qui faisait l’admiration de tout le monde ! Mes premiers souvenirs (à partir de photos) sont mon cheval à bascule. Le jour de l’armistice, 8 mai 1945, je monte sur le balcon et je me fends la lèvre. J’en garde la cicatrice…
Plus tard, vers 1948 ou 49, nous déménageons au 19 avenue Mozart dans un superbe appartement de 300m2. Nous y resterons jusqu’en 1968. J’y ai donc passé toute mon enfance et mon adolescence. J’allais à l’école communale rue des Bauches qui était à 200m. J’ai un très bon souvenir de cette école et de mes instituteurs, Mr Paris et Mr Berthillon. A l’époque, c’était une école de garçons, les filles étaient à coté dans une autre école rue Gustave Zédé. J’avais de bons copains que j’invitais à la maison. Je citerai en particulier un garçon qui s’appelait Dufresne et qui était fils d’un gardien de la paix et surtout Dominique Jérome avec lequel j’ai entretenu une longue amitié.
J’étais un élève moyen assez paresseux qui avait envie, avant tout, de faire ce qu’il voulait et qui vivait dans le présent. Par exemple, pour reculer les réprimandes concernant un mauvais carnet, je ne trouvais rien de mieux que d’imiter la signature de Papa (en 7ème c’est-à-dire en CM2). Le drame ! Mes parents convoqués chez le Directeur…
Ayant passé l’examen d’entrée en 6ème j’étais admis à Janson de Sailly en section moderne c’est-à-dire sans latin ni grec, ces matières étant réservées aux élèves plus courageux et plus brillants. Ayant souvent des carnets avec des mauvaises notes j’adoptais une nouvelle stratégie qui consistait à les signer moi-même avec une signature illisible qui était censée être celle d’un de mes parents. (Au moins ce n’était pas un faux !) Rebelotte ! Reconvocation chez le Directeur « Cet enfant finira en Prison ». Bref, je redoublais la 6ème. Pendant ce temps mon ami Dominique Jérome, bon élève de section classique, passait sans encombre en 5ème.
Il ne faut quand même pas trop noircir le tableau. Certes j’étais paresseux et perturbé par le changement de rythme entre le primaire et la 6ème. Des professeurs différents, des horaires moins réguliers…J’étais bon en Français, (j’écrivais des poèmes).
et j’étais fasciné par les mathématiques, le mystère des équations et des symboles. Pendant un temps je prenais des leçons particulières avec mon ancien instituteur, Mr Paris, qui sans doute à ma demande m’initiait aux équations du 1er degré (le x, cet inconnu me fascinait) mais bien sûr cet enseignement ne servait à rien.
Les enfants avaient à cette époque moins de vacances qu’aujourd’hui. Pas de vacances de Toussaint ni de vacances de février.
L’hiver nous avons commencé à aller faire du ski aux Rousses dans le Jura, puis au dessus de Wengen (Kleine Scheddec) en Suisse dans un superbe palace perdu dans la montagne où les anglais dinaient en smoking. Ensuite je suis parti faire du ski avec le lycée Janson de Sailly aux Houches près de Chamonix. Ce sont mes débuts en ski.
A Pâques nous allions souvent sur la côte normande à Blonville (près de Deauville) où mes parents louaient une maison. Ma mère était très liée avec l’agence immobilière Hoinville car elle avait passé toute son enfance dans la région, mon grand Père étant directeur du Haras d’une riche famille américaine, les Vanderbilt, propriété située à Tourgéville.
L’été je passais souvent mes vacances avec ma cousine dans la merveilleuse ile de Bréhat où ma Mère et son Frère louaient une maison. Comme mes parents travaillaient nous étions gardés par ma Nounou, Simone, qui est restée dans la famille plus de vingt ans. C’était une femme dévouée qui ne prenait jamais de vacances et qui s’occupait d’entretenir la maison et de me cajoler. J’ai vraiment vécu dans un environnement de femmes (Maman, ma grand-Mère et Simone) qui étaient à mon service, mes parents s’étant séparés lorsque j’avais 7 ou 8 ans.
Nous allions également l’été à la montagne. Nous avons loué aux Frasserands, le chalet « la Nicola » puis ensuite le petit chalet « la grange » dans le virage du chemin qui descend à Argentière. J’ai passé des étés formidables avec mes copains mais je reparlerai plus tard de la montagne.
Chapitre 2 Les études
2.1Les études secondaires
J’ai poursuivi mes études à Janson jusqu’en 4ème puis trop paresseux mes parents m’ont placé dans un cours privé (Chauvot) proche de Janson et qui récoltait tous les cancres du Lycée. L’ambiance était agréable, mixte et le niveau scolaire assez faible ce qui fait que je n’étais plus parmi les nuls. Il y avait effectivement des cas « hallucinants » …
J’y ai donc effectué la 3ème (avec le BEPC), la seconde et la 1ère avec l’épreuve du premier bac. En effet à cette époque il y avait une première épreuve en 1ère puis une épreuve finale en terminale. En première il y avait une épreuve en février où on pouvait engranger des points d’avance. Evidemment, cela n’a pas été mon cas.
Fin Juin l’épreuve écrite m’a permis tout juste d’être admis au rattrapage en septembre. Mes parents m’ont alors inscrit dans une boite à bac (Polles) pas mixte pour réviser pendant les vacances. Cette école (j’en reparlerai) était une sorte de bagne pour cancres…
Et miracle !!! j’ai réussi l’oral de rattrapage en septembre malgré le fait que je n’ai pas su placer les reins de la souris sur le dessin approximatif de son appareil digestif et que j’ai cité l’artichaut comme étant un agrume !
J’ai donc continué ma brillante scolarité chez Polles avec une multitude de cancres avec lesquels je m’entendais parfaitement. Il y avait une chaude ambiance mais c’était du 8H/18H tous les jours de la semaine et le samedi matin.
Enfin, à ce régime là j’ai fini par avoir mon baccalauréat sans gloire et sans mention.
2.2 Et après ?
Je n’étais pas trop mauvais en Sciences et j’avais une attirance pour les mathématiques et ce qui était abstrait et théorique. Il se trouve que mon Père était fasciné par la physique et avait comme client à la banque le commissariat à l’Energie Atomique dont il connaissait les principaux Directeurs avec lesquels il entretenait des liens d’amitié. Cela m’a permis de faire des stages pendant les vacances d’été et d’intégrer la classe préparatoire de math sup à Janson qui préparait Normale Sup ! (bien entendu cette admission miraculeuse n’est dû qu’au « piston » des amis de Papa !) Cette année parmi des élèves brillants et travailleurs a été bénéfique et j’ai appris à travailler sur des sujets qui m’intéressaient et qui me motivaient. Cependant il est difficile de rattraper un niveau nécessaire pour passer dans la classe supérieure (Math spé) et j’ai donc quitté le lycée et ses élites pour entrer à l’Université.
2.3 Les années d’Université
Je n’ai pas encore parlé de mon ami Serge Larigaldie avec lequel j’ai passé toute mes années de lycée. C’était un garçon brillant, fantasque et aussi paresseux que moi. Nous nous entendions très bien sauf quand nous parlions politique. Il était communiste (bien que vivant dans le 16ème) et moi évidemment j’étais un petit bourgeois de droite. Je lisais Tintin et lui PIF qui était le journal de la jeunesse communiste. A part cela nous passions tous les jours de congé ensemble, tout d’abord à patins à roulettes où nous avons sillonné Paris, puis à vélo où nous faisions de grandes randonnées dans les banlieues puis enfin à la patinoire pour draguer les jeunes filles. Nous avons passé ensemble des moments merveilleux avec une grande liberté. Sa Mère était chimiste et il était lui aussi attiré par les sciences. En 3ème, sa Mère imprudemment nous avait confié des produits chimiques et une chambre de bonne au dernier étage de son immeuble pour que nous nous initiions à la chimie. Cela se termina par des tirs de fusée, une gouttière en dentelle dans laquelle nous déversions les acides et une chambre assez dégradée. L’expérience fut donc assez vite stoppée.
Fort de cette fidèle amitié et de notre goût commun pour les sciences, j’ai donc retrouvé Serge à l’université d’Orsay, université toute neuve au sud de Paris.
Des bâtiments neufs situés dans la forêt, des professeurs de très haut niveau, les conditions d’enseignement étaient idéales.
Notre ami Jacques Launspach nous a rejoint et nous allions ensemble à la fac le plus souvent dans ma voiture. Eh oui ! J’avais 20 ans et j’avais ma voiture depuis l’âge de 18 ans ! On nous appelait les 3 Mousquetaires car nous étions toujours ensemble. Nous allions à la Fac suivre les cours et rentrions à Paris, à la maison où Simone nous préparait le thé et après avoir travaillé (voir nos règles de travail) nous jouions aux cartes (souvent les 1000 bornes !)
Ces années d’étude ont été très agréables. Nous avons obtenu sans encombre notre maîtrise de physique (à part le certificat d’électronique qui m’a causé quelques soucis). Il fallait ensuite choisir une spécialité de 3ème cycle et d’un commun accord avec mes potes nous avons opté pour la physique des plasmas.
Vous remarquerez qu’à l’époque les réflexions sur l’offre du monde du travail n’étaient pas à l’ordre du jour. On pouvait trouver du travail relativement facilement. Papa rêvait que je travaille chez IBM qui était son client et pour lequel il avait une grande admiration. Travailler en costard et cravate avec des cadres supérieurs ? Pouah !!!
Durant ces années, j’effectuais pendant les vacances d’été des stages dans des grands laboratoires, tout d’abord avec une équipe du Collège de France spécialisée en physique nucléaire. Nous allions, souvent la nuit, faire des expériences sur le synchrotron (accélérateur de particules) Saturne de Saclay (Commissariat à l’Energie Atomique). C’était fascinant, au milieu des machines, des pièges à azote liquide, de discuter avec les chercheurs des mystères de la matière et du monde…
J’ai ensuite fait des stages dans le laboratoire de physique des milieux ionisés où j’effectuerai ma thèse de 3ème cycle pendant mon service militaire.
2.4 Commentaires sur cette période et sur l’avenir
Oh ! La belle vie ! (Comme le dit la chanson). Voilà ce que l’on voit dans le miroir. Insouciance !! Avec le recul, que cette époque semblait douce et facile ! Un taux de chômage d’environ 1,5%, une croissance de l’ordre de 6%, la France de de Gaulle se portait bien. Alors, pour un garçon aussi gâté, il n’y avait pas de soucis majeurs. La vie était un long fleuve tranquille. Quelle différence avec les temps présents !
Et si nous nous penchions à la fenêtre ? Il y a un brouillard épais sur le futur…Mais vous avez votre jeunesse, vos rêves. Vers l’âge de 18 ans on devient adulte et c’est le moment des premières décisions (avec une visibilité souvent réduite) dont certaines orienteront le cours de votre vie. Les choix ne seront pas toujours rationnels tant les paramètres qui entrent en jeu seront divers et nombreux : l’environnement qui influence (qui définit souvent une trajectoire possible), ses propres dispositions, ses goûts, son ambition, les liens avec sa famille, parfois les opportunités et le hasard…Tout cela est bien complexe.
- Tout d’abord il faut essayer de définir ce que l’on aime, ce vers quoi on est attiré. Certains ont la chance d’avoir assez tôt une vocation mais la pluspart d’entre nous suivent leurs études et à l’heure des premiers choix, n’ont pas encore des idées claires sur le sujet. Il faut donc s’interroger : quelles sont les matières, les activités que j’aime le plus, dans lesquelles je suis le meilleur ? Car en général, c’est dans ce que l’on aime que l’on réussit le mieux. Dans cette introspection, il est essentiel de prendre en compte sa scolarité mais aussi sa vie extrascolaire car si l’enseignement donne des basesessentielles, lire, écrire, compter puis apprendre, se former à penser, avoir une culture, il prépare peu à sa vie d’adulte.
- Ce que l’on aime, il faut alors le pratiquer, le travailler avec acharnement. Et c’est là que le courage intervient. Il est écrit que pour être le meilleur dans une spécialité il faut au moins la travailler pendant 10000 heures !
- Il ne faut pas avoir peur de se tromper. Au siècle dernier, on entrait dans une profession pour la vie. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Chaque expérience, même malheureuse, apportera un acquis qui servira par la suite à la condition de garder toujours une attitude positive…
- Enfin, le dilettantisme est un ennemi, bien agréable puisqu’il génère du plaisir, mais qu’il faut réserver à des activités pour lesquelles on n’a pas d’ambition…
Conclusion
Maxime, Alysée, Alexis, Maëlle, Zoé, Anna, Yzïa, ces quelques réflexions sont pour vous. Bien sûr Yzïa, tu as plus de temps pour réagir, mais j’aimerais que tes grands cousins et cousines apportent leurs commentaires, impressions, réactions, questions accords et désaccords…C’est une première tentative de construire un dialogue, une discussion avec toute ma Famille (vos parents aussi, bien entendu). J’aborderai des sujets divers qui me tiennent à cœur et que j’aimerai partager avec vous, mais je souhaiterais aussi que vous exprimiez le choix de sujets que vous aimeriez que l’on aborde…
Je me donne comme ambition de publier un sujet environ tous les deux mois. Le prochain aura pour titre : un voyage initiatique…
No comment yet, add your voice below!
Get involved!
Commentaires
Avec amour,
- Maëlle
Comments are closed for this article!